En vol !! - Méphénésine & Abygaëlle

Le vent souffle sur les plaines, bon celles là sont pas celles de la Bretagne armoricaine mais Abygaëlle s’en contentera! La colline est l’endroit qui lui a paru être le plus adapté pour son premier exercice de vol. Un endroit dégagé où décoller et attérir, pas d’arbre où s'empaler au cas où elle tomberait. Elle préfère finir écrasée comme une crêpe plutôt qu’empalée comme une merguez sur une branche. L’idée la fait exploser de rire et Pirouette vient sautiller tout autour d’elle pour lui faire comprendre qu’il veut être de la partie. Cette fois il est de la taille d’un poney et bien rapidement il capte son regard. Aby se voit penchée près de son oreille en train de lui souffler un secret. Encore un rire et ...

- “Ok ok j’ai compris! C’est juste que je m'imaginais en crêpe étalée au sol puis en merguez…”

Le dragon lui lance un regard parfaitement compréhensible la coupant dans son élan… ‘Mais qu’est ce qu’elle raconte celle là...’ c’est ce qu’il est clairement en train de penser. Et il appuie son air avec une autre image, cette fois Aby porte une camisole, à un entonnoir sur la tête et tire la langue de côté tout en louchant. Ca provoque une nouvelle fois une crise de rires de la jeune fille qui se tient le ventre et qui se décide à foncer en courant sur son veilleur à renfort de grands cris de guerre.

- “RAAAAAAAAH TU L’AURAS VOULU !!”

Elle lui saute dessus faisant mine de dévorer le dragon qui disons-le… ne craint pas grand chose avec ses écailles étincelantes et robustes. Une fois qu’Aby est glissée sur le dos de son poney-dragon celui-ci se met à grossir… le voilà gros comme le plus grand des chevaux et il commence à faire un petit rodéo improvisé mais Aby tient bien en s'agrippant aux ailes. Finalement les deux s'essoufflent et Pirouette se contente de trotter doucement avec sa protégée perchée sur son dos pour sa première vraie balade juste tous les deux veilleur-Feu follet.

Abygaëlle a le sourire qui s’étire jusqu’aux oreilles, elle est en train de chevaucher un dragon! Son dragon !! Bon elle commence aussi à avoir un peu la boule au ventre, elle a aussi un peu le vertige mais voler sur un dragon ça fait tout oublier, enfin c’est ce qu’elle se dit. Là elle se demande si elle aurait pas dû emprunter une corde à quelqu’un pour s’attacher à Pirouette mais... Ça va le faire! Elle est aussi un peu inconsciente sur les bord la jeune femme.

Pirouette a fini de grimper la colline et ils se dressent fièrement au sommet pendant que le vent fait claquer les cheveux d’Aby. Elle se laisse glisser du dos de sa monture pour rejoindre le sol, s’y accroupir et sortir un élastique de son sac à dos pour s’attacher les cheveux.

- “Bon! Établissons quelques règles! Pas de pirouettes dans les air, on commence pas un vol tranquil hein? Et pis si je te tappe sur l'épaule tu redescends au sol, ok? Et euuuuh… si je te crie que c’est ok tu vas plus vite?”

Pendant toutes les question et les règles d’Aby, le dragon hoche de la tête très attentif, presque solennel et un peu déçu du manque de pirouettes dans les airs. Il capte les yeux de sa protégée et lui montre une barque flottant sur un étang sans vagues. ‘Faut pas s’inquiéter ça sera le calme plat, rien pour perturber ce premier vol, absolument rien!’.

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Après toute cette ennuyeuse énumération de règles, la jeune femme a bien vite fait de grimper à nouveau sur le dos de Pirouette. Prête pour le vol! Le dragon se met tout doucement à grossir car porter une adulte avec des ailes aussi petites ça va bien trop vite le fatiguer et puis disons-le, il aime être impressionnant et majestueux. Sauf que… sauf que c’est quoi cette fourmis qui lui attrape la queue et qui se permet de grimper sur lui comme ça? Il retourne vivement son long cou vers son dos pour voir un gamin des plus étranges posé sur lui juste derrière sa protégée.

Aby, toute aussi surprise se penche un peu pour se retourner et scruter les sourcils levés ce gamin avec ce grand sourire et ses questions sans fin. Pendant une seconde elle a presque réussi à garder son sérieux et ressembler à une adulte ennuyeuse avant d’exploser de rire. Décidément ce monde regorge de surprises, pas une minute de tranquillité hein?

- “ Tut tut tut, ça se fait pas de grimper sur les dragons des autres sans permission!”

Elle se retourne sur le dos du dragon qui a continué de grandir progressivement et à devenir gigantesque. Maintenant il est allongé au sol en train de bouder comme un gamin à grand renforts de soufflements bruyants. ‘Et mon vol alors?!’. Abygaëlle fait face au gamin maintenant avec un air vraiment amusée, clairement elle pensait pas un seul mot de ce qu’elle vient de dire et puis elle aime l’audace de la petite pipelette qu’elle a en face d’elle. Il se met même à réclamer le décollage.

- “Alors… on va la faire dans l’ordre: Moi c’est Abygaëlle, tu vas m’appeler Aby et pis je vais t’appeler Meph ok? Ensuite… Ouiii c’est un vrai dragon, c’est trop cool hein?" Elle se penche vers lui les yeux agrandis et les pupilles dilatées de celle qui a eu sa dose, elle est clairement en train de vivre sa meilleure vie. Puis elle compte sur ses doigts: "Mais pas de feu, pas de trésor et c’est pas un radin… enfin je pense pas?" Aby se retourne, s'appuyant sur une main, vers la tête de la montagne. "Heiiiiin Pirouette que t’es pas un radin? On va partager le vol avec Meph?”

Peut être que le gamin est tombé sur plus pipelette que lui aujourd’hui? Quoi qu’il en soit le dragon redresse sa tête et vient près du visage de la demoiselle. Elle voit un Pirouette gigantesque en train de tourbillonner dans le ciel et il a l’air d’aller vraiment vite. Puis le Dragon regarde Méphénésine et lui montre la même image. Une fois le vol annoncé avec ses conditions imposées il se redresse et tapote le sol de ses grosses pattes en s’étirant et dépliant ses ailes. ‘C’est pas trop tôt, je rouille au sol moi!’

La tête flamboyante lâche un “C’est parti!! Accroche toi à moi ou à lui!” à la petite tête et se retourne pour se positionner et s’accrocher aux piques sur le dos du dragon émeraude en se penchant en avant. Et l’envol ne tarde pas, Pirouette s’élance fort et vite, le vent frappe le visage des bipèdes sur son dos. Un, deux puis trois coups d’ailes puissants et les voilà très haut, il entend le hurlement de joie de Aby et s'unit à elle en un long rugissement heureux de se sentir à nouveau complet. Il a complétement oublié le gamin.

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Après son long cri, Aby entend Méphénésine s’exclamer de joie et… claquer des mains!? Quoi? Le gosse ne se tient pas?! Mais il va glisser et se tuer cet espèce d’inconscient. Pirouette se redresse et vole bien à l’horizontal au raz des boules de coton que forment les cumulonimbus sous eux. Il n’a pas ralenti et maintient sa vitesse à grand coup d’ailes entendant autant le gosse heureux que sa protégée et se rappelant par la même de sa présence. Sauf que lui n’en a cure qu’il ne se tienne pas, au pire il fera l’effort de piquer pour aller le cueillir en vol s’il tombe. Mais Aby ne l’entend pas comme ça, elle serre les jambes pour se tenir et se redresse pour tourner la tête vers l’enfant derrière elle.

- “Mais enfin Méph tiens toi un peu et ne gigote pas autant! J’ai pas envie que tu tombes moi!”

Et plutôt que de l’écouter il fait comme il en a envie et il étend bien ses bras et commence à se prendre pour un oiseau. Ça arrache un éclat de rire à la rousse qui se dit qu’après tout, tant qu’il n’y a pas de figures et que Pirouette reste stationnaire ça ne craint rien. Quand Méphénésine en rajoute elle éclate franchement d’un rire de joie et se joint à lui en ouvrant elle aussi ses bras pour épouser le vent et ferme les yeux. Elle inspire bien fort, se redresse et commence à crier pour libérer sa joie trop grande pour rester terrée au creux de son ventre.

- “On vooooooooole! WOUUUUHOUUUUUU! Méph! Pirouette! On vole!”

Pirouette, pour appuyer, lance un beau cri en communion avec leur joie enfantine et commence à se dire que finalement la petite fourmis derrière Aby est rigolote surtout quand elle se met à chanter comme ça. La chanson lui plaît, elle est rigolote comme lui, comme Aby, comme eux trois en train de voler tous ensemble, tous fous d’ivresse de l’altitude et de la vitesse.

La jeune femme connaît bien la chanson, ça faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas entendu mais elle part au quart de tour, au premier ‘à la volette’ elle reprend en cœur avec Méphénésine en se dandinant un peu et dodelinant de la tête, chantant à tue-tête.


Une fois la chanson finie elle explose de rire et lève les bras et son visage au ciel puis elle se retourne et offre son beau sourire à son compagnon avec un clin d’oeil. Elle se dandine, se tord et finit par se tourner pour être dos à la route des cieux et faire face à Méphénésine.

- “Alors Méph c’est la première fois que tu voles comme moi?”

Elle lui attrape les mains et les secoue d'excitation sans aucune gêne.

- “C’est génial hein!?”

Elle a les cheveux qui, malgré son élastique et ce qu’à bien pu en faire l’enfant, volent tout autour de sa tête , claquant au vent et allant peut être même un peu chatouiller le nez du petit bonhomme avec un drôle de truc accroché à son dos. Elle se penche un peu de côté pour mieux voir… mais oui c’est bien ce qu’elle avait cru deviner, c’est une faux. Quel accessoire étrange pour un enfant même aussi original que semblait être Méphénésine.


- “Dis Méph… Pourquoi t’as une faux dans le dos? T’es la faucheuse du Phare? On se connait nous deux? Parce que tu sais depuis que je suis revenue j’ai appris que j’y ai passé mon enfance et que j’en ai vraiment très peu de souvenirs tous très flous. Mais ça revient!”

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La main de Méphénésine se porte à sa lèvre. C’est seulement maintenant que la jeune femme lui faisant face remarque les points de couture qui viennent l’orner. Une broderie douce, envoûtante, à même la peau. Est-ce que ça fait mal? C’est beau et morbide à la fois, ces points ça lui rappelle les points que l’on fait pour recoudre les corps brisés. Est-ce que Méphé est cassé? Elle se contente de l’observer avec un sourire doux, elle le trouve beau, elle l’écoute, elle le trouve drôle. Il est mignon dans sa façon de parler, sa façon de se présenter à la troisième personne et ses manières. Sa façon de claquer des mains d’excitation très enfantine donne envie de sauter de joie à Aby et de le câliner.

-  “ Oh! Alors tu es comme moi! J’ai débarqué ici, je ne sais comment, et je n’ai aucun souvenir non plus, POF back-out! On pourrait les chercher ensemble s’tu veux?

Aby l’écoute attentivement encore. Alors il n’est pas seul, il a son frère ici… elle le trouve chanceux en un sens d’avoir un but autre que découvrir l’endroit et de savoir qu’il n’est pas seul au monde.  La jeune femme se réprimande déjà intérieurement d’avoir ces pensées, elle n’est pas seule et elle a la chance incroyable d’avoir Pirouette qui l’a attendu pendant toutes ces années. Mais elle ne connait personne vraiment encore au Phare à part Sornette qu’elle a rencontré lors de son premier jour. Pour ça elle est sûre qu’il n’y a aucun lien de parenté entre eux, ils sont trop différents. Elle se demande comment peut bien être le grand frère de Méphé… A t’il lui aussi une arme étrange? Se battaient t’ils ensemble?

Puis le regard du garçon est attiré par quelque chose derrière elle. A sa question elle se retourne rapidement pour suivre la direction de son doigt. Les mouvements de la jeune femme sont un peu trop précipités car elle manque de perdre l’équilibre et de glisser, elle se rattrape tant bien que mal à Pirouette pour se réinstaller correctement avec un “Ouf…” et un frisson dans le dos. C’est vrai qu’à cette hauteur, la chute ne pardonne pas.


Pirouette de son côté lance un grognement à Méphénésine. ‘Stupide fourmis, chuis pas un troll hideux et péteur, chuis un magnifique dragon moi’. Il ne bouge pas plus pour permettre à Aby de se réinstaller en sécurité sur lui puis une fois fait sans demander son reste il se dirige d’un battement d’ailes vers la lueur multicolore. Il en profite pour répondre ‘non jamais vu!’ en secouant la tête.

- “ Non Méphé, j’ai jamais rien vu de pareil… Qu’est-ce que c’est tu crois?”

Ca a l’air beau et incroyable. Plus le petit groupe se rapproche et plus les nuages filent et s’écartent avec les battements d’ailes du dragon, leur laissant découvrir des montagnes suspendues dans le ciel abritant mille couleurs. Un endroit semble propice à l'atterrissage de Pirouette et assez dégagé. Abygaëlle lui pointe du doigt lui demandant d’aller s’y poser. On ne peut pas voir jusqu’où descend l'île, celle-ci semble perchée dans les nuages comme Laputa avant elle. Mais ici c’est la nature qui fait loi, de prime abord aucune construction visible. Seulement des milliers de plantes toutes plus incroyables les unes que les autres.

‘Madame, Monsieur, nous abordons notre descente vers l’île bizarre. Le fuseau horaire est le même donc débrouillez vous pour calculer l’heure j’ai pas de montre. Le temps au sol semble chaud et humide, il fait actuellement 21 degrés. Pirouette-air espère que votre vol s’est bien passé et vous remercie d’avoir choisi ses services!’.

Le dragon arrive dans la clairière et il se pose doucement en son centre en rétrécissant rapidement pour laisser l’occasion à ses compagnons de vol de descendre facilement. Des arbres aux feuilles transparentes les entourent. Chaque feuille ressemble à de gélatine, si souple, si fine qu’elle pourrait disparaître avec un souffle et pourtant solides comme du verre. Lorsque le vent des ailes de Pirouette les a fait danser, une symphonie de cristal s’en est échappé donnant un écho féérique à l’endroit. Les feuilles de verre sont teintées parfois en rose, parfois en vert, parfois en bleu… Aby tourne sur elle même pour en faire le tour et se dit que toutes les couleurs du monde sont réunies ici. Elle s’approche de l’orée du bois pour voir les plantes plus petites et plus incroyables encore.

- “ Regarde Méphé! Il y a des fougères ici, quand tu passes ton doigt dessus ça fait de la lumière!!”

La rousse est une enfant devant tant de beauté, ses yeux sont emplis d’étoiles et elle ne peut s'empêcher de rester bouche bée devant chacune de ses trouvailles. Elle passe d’une plante à une autre, passant ses doigts partout, testant les effets, les textures, les couleurs. Elle se décide à s’asseoir en tailleur dans l’herbe grasse et douce comme du coton pour fouiller l'intérieur de son sac à dos pour y prendre son herbier et récolter des échantillons. Elle lance un coup d’oeil à Pirouette qui grogne de bonheur en se roulant dans l’herbe comme un chien fou et elle explose de rire devant la scène du dragon ventre offert au ciel, étalé dans l’herbe en train d’y frotter sa tête.

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Méphénésine n’avait pas attendu beaucoup plus que la jeune femme pour aller tester les effets des plantes. Lorsqu’il l’interpelle elle tourne les yeux vers lui, passant du dragon au garçon en se tordant pour ne pas avoir à bouger ses fesses de l’herbe douce. Sans y réfléchir elle y fait jouer ses doigts, les glissants entre les brins, ça lui donne l’impression de coiffer le pelage de la plus douce et la plus grande des créatures. L’excitation se sent dans sa voie et les étoiles n’ont pas quitté ses yeux. Elle les partage avec Méphénésine en lui offrant un sourire et un jeu de sourcils étonnant.

- “ Oh oui! Tout à l’air si magique ici!! Je suis sûre qu’on peut en tirer quelque chose, je vais essayer de répertorier ce qu’on voit dans mon carnet-herbier…”

Elle remarque les fioles qu’il sort de son sac et ri en comprenant qu’il a la même idée qu’elle. Alors il joue à l’apprenti alchimiste? Elle se demande ce qu’il a bien pu confectionner par le passé et quels ont été les effets sur les gens. Ses yeux s'agrandissent et ses sourcils se lèvent.

- “Je veux absolument que tu me montres ce que tu fabriques de ces potions! Je veux voir... et leurs effets aussi! Dis on en fera ensemble? Tu me montreras hein?”

Méphénésine se dirige vers les arbres et la voilà de nouveau perdue dans la contemplation de ceux-ci. Il y en a un en particulier qui lui plaît. C’est une sorte de Saule pleureur mais au lieu que des branches fournies en feuilles pendent jusqu’au sol, ce sont des sortes de fils de soie garnis de boules de coton rose. On dirait que quelqu’un a cousu de la barbe à papa sur cet arbre. Ça donne l’eau à la bouche à la Feu Follet. Sa contemplation l’a privé de voir l’événement un peu fou que Méph avait provoqué. La rousse se jette sur ses deux pieds pour se relever vivement et rejoindre son compagnon près de l’arbre étrange en laissant en plan sac et son herbier.

- “Il peut changer de couleur ou de forme? Montre!”

L’arbre semble se tordre, changer pour s’évaporer dans le paysage. C’est le Cheshire cat cet arbre ou quoi? Ou alors oui… Diablo? Quoi qu’il en soit, Aby est bien d’accord avec le gamin, elle scrute les environs en se demandant si en marchant elle ne va pas se le prendre de plein fouet. C’est étonnant de voir que les bras de Méph gigotent dans l’air, là où avant était planté un arbre bien solide. L’étonnement fait baisser la voix à Abygaëlle contrastant avec les cris sortant de la bouche du petit être à côté.

- “ Je… Mais… On va pas pouvoir le retrouver s’il vient pas à nous… eh mais… Méphénésine!! Et si on l’appâtait? Ça mange quoi un Cheshire Tree? De l’herbe à chat?”

Elle se met encore à tourner sur elle-même rapidement en ricanant de sa blague nulle pour essayer de repérer l’arbre des yeux. Elle voit pendant son inspection que tout le boucan qu’ils ont fait n’a pas fait bouger Pirouette d’une once. Le dragon a décidé de piquer un petit roupillon comme ça dans l’herbe en plein milieu et sur le dos! Elle sourit attendrie et recommence à chercher l’arbre des yeux. Quand tout à coup la question innocente mais pas trop tombe dans ses oreilles. La remarque de Méph est simple limpide et claque comme un rappel du passé. C’est un contraste bien fort avec l’environnement dans lequel ils sont. Mais c’est pas ça qui va mettre à bas le moral de la jeune femme. Elle n’a pas oublié pourquoi ce soir là elle a claqué la porte.

- “Oui c’est une façon de le dire… Ma vie… n’était paaaaas si nuuulle. J’aimais bien ce que je faisait mais là-bas je pouvais pas être vraiment moi même, tu vois? Je n’étais jamais vraiment ENTIÈREMENT moi même et tout était siii gris”

Elle se met à rire d’un coup et ajoute “Surtout comparé à ici et à toi”  en le regardant amusée avant de sursauter avec le cri soudain qui sort de la bouche de Méphénésine. Elle explose de rire pour de bon et se tient le ventre puis essuie quelques larmes qui perlent au bords de ses yeux. Ça elle ne s’y attendait pas!

- “ Robert? Vraiment?”

Elle se met même à marcher le long de l’orée des bois les mains tendues devant elle comme une somnambule pour chercher Robert en faisant la même chose que Méphénésine. Elle inspire et se met à hurler à la forêt.

- “ROOOOOOOOBEEEEERT!! REVIENT! ON EST GENTILS TU VAS VOIR!! ROBEEEEEERT!!”

Elle passe au crible la forêt à l’aide de ses yeux et voit des endroits où les herbes bougent mais elles semblent danser à l’unisson. Pas facile de trouver Robert dans ces conditions, si toute la forêt est magique ça va être compliqué de remarquer un Cheshire Tree. Elle se décide à faire un arc de cercle et à retourner près de son sac. C’est étrange… Elle n’avait pas remarqué ce petit buisson contre lequel il est appuyé. Elle se rapproche lentement, toujours bras tendus en avant de peur de se prendre un tronc invisible. Elle effleure avec toute la délicatesse possible une feuille qui se met à frissonner, vibrer et fredonner avant de prendre la couleur de l’herbe sous elle et de la répandre à toute la plante. Abygaëlle pense avoir trouvé Robert. Elle se recule doucement, lentement d’un pas puis de deux et se pose les fesses dans l’herbe à une certaine distance du buisson. Puis elle se retourne vers Méphénésine et le regarde un moment en ayant une idée. Elle lui fait un grand signe du bras pendant que son autre main lui intime le silence en posant un index sur ses lèvres. Elle lui demande de venir près d’elle pour lui chuchoter son idée à l’oreille.

- “ Eh Méph! Ne fais pas de bruit, je crois que j’ai trouvé Robert. On dirait un arbre caméléon, il se transforme en plein de plantes, regarde il a l’air de bien aimer mon sac. Y a de la nourriture dedans mais si je le prend j’ai peur de le faire fuir…”

Elle tend le bras vers Robert et son sac puis se tourne complice vers son compagnon avec son nez plissé du jeu qu’ils vont entamer. Elle a une idée, puisqu’ils ne peuvent pas nourrir Robert, peut être pourraient t’il lui montrer qu’ils ne sont pas méchants? Du coin de l’oeil on dirait que le buisson redevient transparent mais à la place de disparaître complètement dans le paysage il laisse apparaître une créature très étrange et très mignonne.

- “Regarde! On dirait un Chat-Hérisson-Lézard!”

En effet la bestiole fait la taille un Hérisson, a la forme d’un chat et la peau d’un lézard sans oublier son dos recouvert de longs pics. Elle est étrange et vraiment super mignonne. Elle se glisse tout doucement dans le sac d’Abygaëlle semblant curieuse du contenu. L’écharpe lui fait un beau nid douillet et le sachet ne résiste pas à ses griffes alors Robert est comme un coq en pâte à l’intérieur.

-  “Il faudrait l’apprivoiser, tu en pense quoi? en jouant peut être?”

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Aussitôt la question posée, Méphénésine se dirige vers le sac avec de drôles de trucs à la main. Aby tente tout doucement de suivre la cadence lentement retenant son souffle et ne quittant pas des yeux Robert, s’arrêtant au moindre souffle un peu suspect et un peu trop fort. Soudain la jeune femme rattrape une sorte de roseau duveteux au vol que son compagnon vient de lui jeter en lui expliquant leur provenance et ce qu’il compte en faire, pas bête l’animal! Aby se met à adopter ce ton de confidence en se rapprochant plus près de Méphénésine pour lui parler tout bas.


-  “Eh c’est malin ça Méph! Robert va sûrement adorer ce truc… je me demande si on en fait des potion… Est-ce que les potions changeront en fonction de la couleur de ce truc? Moi aussi j’ai hâte de tester tout ça avec toi!”

Elle le regarde avec un petit air mutin et des yeux remplis d’étoiles rien que de s’imaginer l’apprentie alchimiste de ce drôle de bonhomme avec une faux. D’ailleurs il se lance à l’assault du sac avec son plumeau et Aby le suit des yeux, très attentive à la moindre réaction de l’animal tapis à l'intérieur. Elle se demande bien s’il va mordre à l’hameçon… La réponse est immédiate, une petite patte cherche à choper le bout du roseau qui dépasse. Aby se retrouve aussi excitée par leur réussite que Méphénésine et lui lance un énorme sourire ravi et sans se rendre compte de ce qu’elle fait elle élève la voix elle aussi.

-  “Oui !! c’est incroyable, continue on va voir jusqu’où va ce petit bout !”

Robert semblait chasser le bout du roseau tout doux, il était agile et incroyablement rapide dans ses bonds. Adorable chat étrange et joueur il ne cessait de se prendre au jeu de Méphénésine. Jusqu’à ce que le roseau se stoppe et tombe entre ses patte fournies en griffes et sa gueule fournie en petites dents pointues. Un vrai chat! Un incroyable chat qui tirait un sourire énorme à la rousse fascinée par la bête. Elle se fait rapidement rappeler à l’ordre par Méphénésine qui lui propose de jouer elle aussi, jusque là elle était tellement absorbée par le ballet des deux en plein jeu qu’elle n’a pas songé à utiliser le roseau que lui a fourni son compagnon. Elle s’y met immédiatement ce qui rend fou Robert et qui saute d’un roseau à l’autre ne sachant pas vraiment lequel choisir. Le ballet reprend de plus belle et deux fois plus énergique qu’avant. La Feu Follet explose même de rire en coulant un regard vers son dragon ventre à l’air en train de ronfler au soleil.

-  “Oh oui !! Je crois que c’est pas bien difficile, Pirouette a l’air d’être un vrai patachon quand il ne vole pas !”

Elle rit un peu attendrie par son veilleur qu’elle aime vraiment plus que tout sans même encore avoir recouvré tous ses souvenirs. Mais elle sait au fond d’elle que cet amour est bien plus vieux que son retour dans ce monde et aussi sincère même plus que n’importe quel image dont elle pourrait se souvenir s’il y a des années ici. Et d’un coup la question franche de Méphénésine la surprend. Elle revient poser ses yeux dans les siens, douce et à l’écoute de ce qu’a à lui demander et lui dire ce compagnon particulier. Alors il insinue qu’il y a des êtres qui ont été bannis ici? Dans un monde si doux, le rejet doit être incroyablement cruel… Plus il parle plus elle comprend qu’ils sont un petit groupe de bannis et d’êtres étranges comme lui. Sont t’ils tous comme Méphénésine? Tous aussi drôles et je-m’en-foutiste? Ça serait cool… Elle sourit de nouveau quand il parle d’une seule face de la pièce, c’est une façon très juste de voir les choses. Elle trouve que le grand frère de Méphénésine est aussi une personne qu’elle aimerait connaître, elle est d’accord avec cette idée de mort du progrès. Les utopies et le perfectionnisme c’est bien mais seulement comme but à atteindre, pas comme monde à vivre. Dans l’idée, ce serait de fabriquer et de penser à mille choses pour faire toujours mieux, de se tromper et de recommencer, mais surtout de se tromper. C’est quand on se trompe qu’on invente les choses les plus folles et les plus chouettes. Ne dit-on pas que c’est le chemin qui compte et non pas la destination? Aby abandonne son roseau à Robert et se rapproche tout doucement de Méphénésine le visage penché d’un côté et le regard doux en pleine réflexion. Elle vient doucement poser sa main sur la joue du banni et caresser de son pouce les points écarlates sous sa lèvre.

-  “C’est très juste ce que tu dis… et à la fois… c’est un peu plus compliqué que ça. Ta beauté ne serait pas accepté là où je viens. Là bas tout n’est pas blanc ou noir, il a de nombreuses nuances qui permettent à ce monde de n’être pas si mal que ça mais...” Elle retire doucement sa main de la peau d’albâtre et la pose sur sa cuisse avec un soupire. -  “Mais les gens, je crois… n’aiment pas les rêveurs, ceux qui testent et ont un grain de folie. Je crois que pour ce monde il faut être triste et gris et moi j’aimais trop les couleurs pour y rester. Je n’étais ni mauvaise mais peut être trop étrange pour eux. Ils veulent remplir ce monde d’adultes tristes et chiants à mourir et j’ai voulu rester une enfant encore un peu. Et il n’a pas aimé ça tu sais alors… je suis partie. Je suis triste que tu ai été jeté dehors, j’aime bien le temps que nous passons ensemble Méph. Ce monde fait d’un camaïeu de gris délavé et moche ne nous mérite pas. Ni toi, ni ton frère, ni tout ton groupe… ni moi.”

Elle ponctue ses derniers mots en reprenant son roseau et en le gigotant à nouveau au dessus du nez d’un Robert sautant pour attraper le roseau de Méphénésine. Le chat fou secouait sa tête de l’un à l’autre à présent et tournait en rond pour bondir et chiper les jeux au dessus de lui. Parfois Aby lui chatouillait les fesses pour le rendre fou. Elle reprend la parole au bout d’un moment sans regarder son compagnon, doucement.

-  “Parfois je me sens un peu seule à être… comme je suis, les gens sourient gentiment, me prenant pour une niaise optimiste peut être, mais je n’ai pas de vrais amis, ni dans l’autre monde… ni ici. Je suis contente de t’avoir rencontré Méphénésine tu es drôle et je suis sûre qu’on va pouvoir partager un tas de choses ensemble”

A ce moment là Pirouette gros comme un chat, comme Robert, se glisse doucement contre sa protégée et se frotte à elle pour lui rappeler qu’il est là lui aussi. ‘Eh! Et moi! C’est pas parce que je suis un patachon que j’entend rien hein!?’. Abygaëlle le caresse lui lissant les écailles tendrement en lui adressant un sourire doux de remerciement. Puis il s'aplatit et ses pupilles grossissent à la vue des roseaux puis de Robert, il s’approche lentement en reniflant, vérifiant un danger inexistant puis il saute vers un roseau et s’étale lamentablement dans l’herbe sous les yeux de Robert qui imite immédiatement Pirouette avant de se rouler dans l’herbe non lui de lui. On dirait que l’animal n’a pas de mal à faire confiance à un dragon miniature. La jeune femme changeant tout à coup de sujet comme si rien d’autre n’était plus important que l'existence de Robert piaille tout à coup plantant ses yeux dans ceux de son compagnon en gigotant d’excitation.

-  “Méph regarde!! Il a l’air d’être vraiment rassuré, tu crois qu’avec l’aide de Pirouette on pourrait le caresser?”

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Les yeux d’Abygaëlle se posent avec une bienveillance et avec une tendresse surprenante sur le petit humain qui s'étale à côté d’elle. Elle aime bien sa façon de parler, de lui répondre et de remettre en cause le monde et les gens. Elle hoche la tête pendant qu’il lui répond le rejoignant sur l’idée des discriminations, avec son regard, les dires de son frère et sa douce naïveté et candeur il lui apporte la seule question viable à tous ces maux.

-  Pourquoi discriminer si ces humains-là ne font que vivre? Sans embêter les autres?”

Malheureusement elle a eu beau chercher, questionner et tenter de comprendre les autres, elle n’a jamais trouvé la réponse à cette question. C’est bien ce qui l’a toujours rendu très furieuse envers elle et surtout envers le monde même si elle a toujours su écraser ça par son sourire et sa bonne humeur jusqu’à cette soirée là où elle n’a pas pu, plus supporter toute cette hypocrisie. La rousse est soudainement touchée de voir la façon dont Méphénésine la considère et l’estime. Ce ne sont que des vérités mais la façon dont il les dit, la façon qu’il a de lui rappeler la touche vraiment. Ça fait si longtemps que personne ne lui a dit qu’être elle-même est une belle chose, elle ne se souvient pas de la dernière fois d’ailleurs…

Méphénésine est un baume au cœur avec sa candeur, autant que les caresses et la présence de son veilleur il lui semble, et ça la surprend elle même un peu. C’est vrai qu’elle n’est pas seule et après tout elle vient d’arriver et les rencontrent vont sûrement affluer. Quoi de mieux pour rire que d’apprendre à connaître de nouvelles têtes? Surtout si elles sont brodées si joliment… Elle gigote toujours mollement le roseau que Robert s'échine à mâchouiller et à finir de détruire. Bientôt le sien également ne sera plus qu’un tas de poussière. Les yeux émeraudes de la jeune femme se posent étonnés sur Méph quand il lui parle de sa vision de l’amitié. C’est une façon de la voir si triste selon elle. Elle comprend ce qu’il veut dire et sa défiance face à cet attachement, en réalité elle ne peut pas compter beaucoup de personnes dans son cercle d’amis.

Elle rit doucement à la réponse de Méph qui n’est pas décidé à bouger ses fesses d’un millimètre. Et en même temps elle et Pirouette semblent avoir la situation bien en main avec ce petit Chalézon. Après lui avoir laissé un dernier regard elle donne toute son attention au petit animal. Elle s’allonge sur le ventre et se met à caresser son dragon doucement pour montrer sur lui qu’elle ne va leur faire aucun mal. Ce dernier s’en donne à cœur joie à se coller, se remuer et à grogner de contentement. ‘OWI des grattouilles !!’ Robert se stoppe un moment et les observe tapis dans l'herbe mais toujours sous sa forme animale. Au bout d’un moment Aby se met à parler doucement pour l’encourager tout en continuant les caresses à plat ventre sans gigoter outre mesure essayant de se faire la plus douce possible.

-  “Salut toi… Ça te dirait pas de venir profiter de grattouilles? ”

Elle pose son autre main paume en l’air pour lui proposer de venir voir et continue sans cesse de câliner le veilleur inutile et étalé sur le dos en train de baver.

-  “Allez viens là… approche… ça va aller tu vas voir on est bien là. ”

Robert comme s’il comprenait parfaitement commence à ramper, alternant son regard entre le visage de l’humaine et sa main. Il flaire l’air et avance lentement se positionnant à quelques centimètres de la main.

-  “Tu vois? Touuuuuuut va bien, approche et viens profiter des caresses, regarde ce gros patapouf comme il en est content!”

Le Chalézon vient avancer sa gueule ouverte pour mordiller la main d’Aby et la tester. Même si une dent mord un peu trop fort et fait perler une goutte de sang, celle-ci ne bouge pas d’un pouce laissant l’animal se rassurer.

-  “OK, tu vois bien que tout va bien… Pirouette tu peux ravaler ta bave et m’aider un peu gros flemmard?”

‘Rooooh ça va hein j’arrive !!’ et il roule pour se mettre sur le ventre et se redresser pour aller enfouir sa petite tête dans la main toujours ouverte qu’est en train de mordiller Robert pour lui montrer l’exemple à suivre. Aby n’a qu’à attendre que le dragon fasse son boulot et à être patiente que Robert se décoince. Ce dernier ne recule pas et stoppe ses mordillements pour observer Pirouette qui vient soudainement coller sa tête à lui et lui faire un gros câlin. L’animal sauvage reste pétrifié avant de se détendre quand le dragon repasse de nouveau à la main pour se frotter. Il avance et pose le bout de son museau sur l’index d’Aby puis sursaute, pas encore prêt à ce contact. Il revient doucement et s’approche de son potentiel nouvel ami pour faire la même chose avec lui cette fois sans sursauter.

-  “Tu veux bien t’occuper un peu de Robert et le détendre? Je vais lui laisser un peu d’espace...”

‘Chef ! oui chef !!’ Tout doucement elle retire sa main et se roule pour se mettre sur le dos à côté de Méph en regardant le ciel dans un souffle. C’est vrai qu’on est bien installé comme ça dans cette herbe moelleuse.

-  “Tu sais… Je vois différemment l’amitié, ceux qui se disent amis et n'hésitent pas à trahir ou à profiter des leurs ne sont pas de vrais personnes en qui on peut avoir confiance, ils ne sont pas paradoxales, ils sont hypocrites. Pour moi être un ami c’est être là pour l’autre sans imposer de conditions, se respecter et s’aimer en quelque sorte comme on est, je pense que deux personnes comme ça se donnent une belle confiance mutuelle. Partager plein de choses et rire ensemble c’est chouette mais là où on voit que les liens tiennent c’est aussi pleurer et se soutenir quand c’est dur même si on est triste, même si ça na va pas… même si on est pas d’accord parce que… simplement on a choisi de faire un bout de route ensemble côte à côte et de s’aider… je crois? Je suis sûrement trop naïve et en même temps cette amitié là c’est plutôt rare mais je la trouve d’autant plus belle quand on peut la connaître...”

Elle souffle et perd ses yeux au loin admirant l’azur et ses cotons qui filent doucement. L’air est doux et elle se laisse porter par la brise qui ne cesse de leur amener ce cliquetis mélodieux et cristallin des arbres aux feuilles de verre. Elle glisse elle aussi ses bras derrière la tête pour s’installer confortablement et décide de croiser ses jambes quand elle sent se faufiler deux petites bêtes entre Méphénésine et elle. Elle ne bouge pas et fait comme si de rien n’était. Pirouette est en train de leur ramener un petit Chalézon curieux et amadoué à coup de câlins et de jeux. Les deux se mettent à se tourner autour et à jouer entre les deux humains les invitant tacitement à se joindre à eux.

Codage par Libella sur Graphiorum