Histoire
Tout le monde possède une histoire. Parfois elle est épique, parfois non, il arrive même que certains aient des histoires héroïques. Laissez moi vous conter l'histoire d'une petite fille comme les autres. D'une petite fille qui n'a jamais rien fait d'héroïque si ce n'est dans ses jeux. Une enfant qui cache derrière son sourire enjoué une triste vérité. Mais, vous allez me dire, beaucoup de monde ont une histoire triste à raconter. Je vous répondrais que oui, et c'est pour cela que cette enfant n'est pas particulière.
Alya est née dans une famille somme toute normale. Ses parents l'aimaient réellement et elle avait tout pour être heureuse. Enfin, tout... Combien d'enfant, à votre avis, vous font croire que tout va bien ? Car il ne faut pas penser que la dépression et la solitude n'existent que chez les grands. Les enfants sont des êtres cruels envers tout ce qui est différent et qu'ils ne comprennent pas. Et ils ne comprenaient pas Alya. Oh, bien sûr, cela n'a pas commencé dès la petite enfance mais il ne faut pas grand chose pour briser un être si fragile.
Alya avait tout pour être heureuse, des amis qui jouaient avec elle, des parents qui l'aimaient. Mais tout cessa bien vite lorsqu'elle quitta le monde de la petite enfance. Les bambins devenus gamins prirent conscience du monde et ne jouèrent plus à imaginer. Très vite, ils s'amusèrent à faire comme les grands, les filles se maquillaient et les garçons chassaient ces mêmes filles. Ils voulaient entrer chez les grands sans avoir pris le temps de comprendre ce que être un enfant signifiait.
Mais Alya ne suivit pas les filles et les garçons, elle resta dans son monde à s'imaginer aventurière et chasseuse de monstres. Certains restèrent avec elle mais très vite, ils furent happés par ce maelstrom malsain qui tournoyait au dessus d'eux. Ils n'avaient que six ans. Etrange, différente, Alya fut très vite pointée du doigt. Mais le sourire ne quitta jamais son visage, seul le soleil dans ses yeux disparaissait derrière d'épais nuages de tristesse. Elle se retrouva seule et passa le plus clair de son temps à jouer dans son coin, subissant les regards lourds de ses camarades. Personne n'était au courant car elle ne parlait pas, elle se contentait de sourire car elle croyait encore innocemment que sourire à tout le monde allait les rendre plus gentils. Elle ne s'est jamais énervée quand on la traitait d'étrange et elle n'a jamais pleuré quand on la bousculait méchamment. Elle se contentait de sourire et d'être gentille car elle ne comprenait pas que le monde puisse être aussi méchant.
Même ses parents ne surent jamais que leur fille avait perdu toute joie de vivre... à sept ans. Car il ne faut pas croire que les enfants à cet âge là ne comprennent pas les choses, il ne faut pas croire qu'ils ne peuvent pas être dépressifs.
Tous les soirs, après que ses parents soient passés lui faire un bisou et qu'elle ai donné un dernier sourire, elle pleurait. Elle pleurait dans les bras de son ami imaginaire, esseulée dans ce grand lit froid, dans cette grande chambre sombre. Et toutes les nuits elle allait le retrouver dans ses rêves et ensemble ils parcouraient le monde à la recherche de trésors et de monstres. Ces monstres personnifiant les enfants qui étaient méchants avec elle et ces adultes qui ne comprenaient pas ses regards de détresse. Alors elle les chassait et les faisait disparaître de son monde. Pouf, d'un coup d'épée, ils n'étaient plus là. Mais ils disparaissaient seulement dans ses rêves...
Mais une nuit, dans ses rêves, elle n'alla pas chasser les monstres, non, elle n'était pas au même endroit que d'habitude et Kumkwat, qui n'était qu'une vague idée sans réelle forme, n'était pas là. A la place, une lumière, forte, attrayante. Alya fut attirée et elle s'approcha. Aveuglée, elle ferma les yeux pour les rouvrir quelques instants plus tard. Elle n'était plus dans cet endroit étrange, elle en avait rejoint un autre, le sommet d'un phare, et devant elle se tenait une créature qu'elle n'avait jamais vu, enfin, jamais vraiment vu. Il n'était au début qu'une idée floue puis très vite, il devint clair, aussi brillant que le phare pour finalement devenir aussi sombre que la nuit. Seuls ses yeux gardèrent cette lueur brillante, transperçant la nuit de son pelage. Kumkwat, il était là, devant elle, la dominant de toute sa hauteur si bien qu'elle dû se reculer et pencher la tête en arrière pour le voir réellement. Il était beau, tout comme cet endroit étrange.
Elle n'avait pas envie de se réveiller, pas cette fois. Elle espérait du plus profond de son coeur qu'elle n'allait pas se réveiller, jamais.