Il était une autre fois... [pv Coton]

Il existe un endroit que tu définirais comme "parfait" à la bibliothèque. Caché entre les étagères, près de la fenêtre qui donne sur un jardin et non loin de la partie que tu considérais comme la plus intéressante de l'endroit : le rayon des contes. Très vite, tu avais considéré cette place comme ta place et tu aimais y passer quelques heures lorsque tu souhaitais consulter un ouvrage avant de l'emprunter. Ce jour-la encore, tu occupais la position, assis sur l'appui de fenêtre et entouré d'une paire de coussins pour rendre l'endroit plus agréable. Une pile de livres se trouvait à portée de main, tout un tas de nouvelles, romans ou recueils que tu avais déjà lu ou que tu t'apprêtais à découvrir. Normalement, tu étais autorisé à emprunter un ou deux livres pour éviter de priver les autres clients. Mais tu étais prince après tout et tu avais le droit de réquisitionner ces ouvrages. Le premier qui essaierait de te priver d'un de ces livres serait immédiatement déclaré hors la loi et sa tête mise à prix ! Enfin... dès que tu auras prouvé à tous que tu étais effectivement le souverain de ces terres.

Tu étais en pleine lecture de "Vingt-mille lieues sous les mers" (ces derniers temps, tu t'étais mis en tête de lire tous les Jules Verne et ce classique était le suivant sur ta liste). À tes côtés, ta poupée de chiffon balançaient ses jambes dans le vide, cherchant visiblement un moyen de se divertir. La pauvre n'avait guère de menace à écarter ou de situation dangereuse à prévoir. Que pouvait-il bien se passer dans une bibliothèque ? Certes, le tenant était quelque peu collant mais cela ne représentait pas vraiment un danger pour son souverain... Si le petit chevalier avait pu respirer, il aurait poussé un long soupire d'ennui. Soudain, quelque chose attira son attention : quelqu'un approchait. Il n'en fallut pas plus pour que le garde du corps se relève et se prépare à agir, une main sur la garde de l'épée en bois qui pendait à sa ceinture. La menace qui surgit de derrière une étagère... n'était pas vraiment ce qu'il espérait. Quant à toi, tu ne remarquas même pas la nouvelle venue, tu étais bien trop absorbée dans ton bouquin. Tu relevas les yeux uniquement quand ton chevalier de tapota le bras, t'invitant à interrompre ta lecture. Tu ignoras les premiers coups, essayas d'éviter les suivants et n'intervins qu'après plusieurs secondes d'insistance. Agacé, tu te tournas vers ton garde du corps :

- Tu ne vois pas que j'essaie de li... (tu remarquas enfin la nouvelle arrivante, au plus grand soulagement de la poupée. Instantanément, un sourire se forma sur tes lèvres) Oh, bonjour Coton ! Je ne t'ai pas entendu arriver.

Coton, brave petite Coton. Elle avait le don de me faire sourire en toute circonstance, me remonter le moral avec son optimisme débordant et je ne pouvais jamais lui en vouloir, quoi qu'elle fasse. En l'occurrence, son apparence pour le moins inattendue, recouverte de peinture de la tête aux pieds, me fit légèrement rire. Je la considérais en quelque sorte comme ma petite protégée, celle qui me faisait apprécier mon rôle de prince car un prince se devait de défendre ses sujets. Je descendis du bord de fenêtre où j'avais lu une partie de l'après midi et m'installai en tailleur à même le sol pour être à la hauteur de la petite Veilleuse.

- Je lis un livre incroyable, regarde !

Je tournai le livre que je tenais en main vers elle pour lui montrer les illustrations. Seuls mes yeux dépassaient au-dessus de la couverture, je voulais voir sa réaction. L'ouvrage était ouvert sur l'illustration d'un immense sous-marin descendant vers les abysses.

- Ca s'appelle "Vingt-mille lieues sous les mers". Ca raconte l'histoire d'aventuriers qui partent à la recherche d'un monstre sous marin qui attaque les navires. (Je tournai les pages pour m'arrêter sur une autre illustration de cité engloutie. J'avais déchiré la page suivante car elle contenait une tournure de phrase que j'appréciais particulièrement, j'espérais seulement que Coton ne le remarquerait pas). Dirigé par le capitaine Némo, ils vont parcourir le monde entier, découvrir des civilisations sous la surface, explorer des épaves, trouver des trésors... (je passai quelques pages en espérant tomber sur une autre illustration. Celle sur laquelle je m'arrêtai montrait le sous-marin en mauvaise posture, pris aux pièges entre les tentacule d'un calamar géant) et affronter des monstres !

Je jetai un coup d'œil au dessin et en compris le contenu bien trop tard. Quoi ? C'était ça la créature ? Je refermai le livre avec hâte, comme si cela me permettrait d'oublier ce que je venais de voir. Je n'étais pas arrivé si loin dans ma lecture et voilà que je découvrais que le monstre dont tout le monde parlait était un calamar géant ! Plus jamais je ne feuilletterais un livre, il y avait beaucoup trop de risques. Je me mordais l'intérieur des lèvres en forçant ma mémoire à effacer cette nouvelle information mais il était trop tard : je connaissais la fin du livre. Je secouai ma tête pour revenir au moment présent et essayai de retrouver mon sourire. Il fallait faire bonne figure devant Coton !

- Et toi ? Raconte-moi ta journée ! Tu as affronté un monstre de peinture pour en être recouverte de la sorte ?